Les volcans de l’île de La Réunion

Aux débuts

Puisque que nous sommes sur une île d’origine volcanique, nous nous devions de nous intéresser aux volcans qui l’ont façonnée. Le musée de la Cité du Volcan nous apprend que 3 volcans ont formé l’île de La Réunion.
Il y a 8 millions d’années, le Piton des Neiges et le volcan des Alizés naissent à 4 500m de profondeur. Ils mettront 4 millions d’années à émerger puis 4 millions d’années supplémentaires pour former l’île, tout en grandissant. Se succéderont des périodes d’activité où la lave se répand avec des périodes de pause où l’érosion creuse des rivières et où certaines parties s’effondrent. Le volcan des Alizés cesse progressivement son activité et s’effondre. Le Piton de la Fournaise apparaît sur ses restes et va connaître une grosse activité tandis que le Piton des Neiges entre en sommeil. L’érosion reprend. Puis le Piton des Neiges a un sursaut, ses gigantesques éruptions dévastent l’île. Depuis 20 000 ans, il n’est plus entré en éruption, ce n’est pas un volcan éteint, mais sa chambre magmatique est vide. Son sommet culmine encore à plus de 3 000 m (le plus haut sommet de l’île et de tout l’Océan Indien). Le Piton de la Fournaise est le volcan le plus actif du monde au vu du nombre d’éruptions : une tous les 9 mois.

Une géologie magnifique mais instable

Les falaises de La Réunion sont un mille-feuilles alternant les couches de lave massive mais fissurées avec des couches de lave en gratons (lave sous forme de cailloux). Il y a une faible cohésion de l’ensemble. La pluie, le vent, les nombreux petits séismes fragilisent les sols et la pente favorise les effondrements. La surface de l’île ne s’agrandit pas, car chaque ancienne coulée est poussée dans la mer par la suivante.
Les précipitations importantes ont engendré des cours d’eau qui ont creusé la roche volcanique formant des cirques. Les torrents ont formé des ravines parfois profondes de plusieurs centaines de mètres.

Le Piton de la Fournaise

Nous sommes allés plusieurs fois au Piton de la Fournaise, par un des nombreux sentiers qui y mènent. L’eau se faufile dans la roche volcanique et donc, en période de pluie prolongée, le volcan et ses environs sont les rares endroits de l’île où les sentiers ne sont pas fermés. Le Piton de la Fournaise est constitué d’un large dôme situé au milieu d’une caldeira (grande zone d’affaissement) appelée l’enclos Fouqué (en l’honneur du géologue français Ferdinand André Fouqué). Autour de cet enclos s’élève une muraille de 100 à 400 m de hauteur.Nous avons randonné sur la muraille autour de l’enclos Fouqué, au Piton des Basaltes, sommes descendus vers le Piton de l’Eau (ancien cratère où un lac s’est formé), découvrant des petites cheminées bien abruptes et glissantes d’où l’on a une vue dégagée (ou pas, mais ça, on le sait une fois en haut). Ici, les précipitations sont de l’ordre de cinq à six litres d’eau par an, car le relief stoppe les nuages. Nous confirmons : qu’est-ce qu’on a pu se faire rincer lors de nos randos dans la région du volcan. Avec toute cette eau, la végétation se porte bien.

Dans l’enclos Fouqué, nous avons marché vers le Château Fort, créé par l’éruption de 1948. La randonnée ne présente pas de dénivelé important et permet de s’éloigner de la foule des marcheurs, de voir différents types de lave et de découvrir le cratère Rivals et ses magnifiques couleurs rouges. À partir de là, le sentier est fermé : les éruptions récentes ont déstabilisé le chemin, affirme l’arrêté préfectoral. C’est ici qu’auront lieu les éruptions 3 mois plus tard.La randonnée vers le cratère Dolomieu à 2632 m d’altitude est indiquée par de très nombreuses marques blanches peintes sur le sol. Pourquoi autant de marques ? Le randonneur est-il tête en l’air au point qu’il faille lui donner une direction tous les dix mètres. L’explication saute aux yeux lorsque la brume envahit l’enclos : il est indispensable d’avoir de nombreux repères par visibilité réduite. Ce jour-là, nous sommes partis au lever du soleil du gîte du Volcan (Caverne Dufour), ne prenant pas de petit-déjeuner parce que l’heure du service est tardive. Le temps est beau, mais des nuages accrochent déjà le sommet. Nous pensions être les premiers randonneurs de la journée. En fait, les véritables premiers randonneurs ont marché de nuit pour assister au lever du soleil sur le cratère. Nous en croisons alors que nous montons. Ils nous préviennent que la brume s’installe de plus en plus dans le cratère. Effectivement, nous ne le verrons pas ce jour-là, malgré une bonne heure d’attente. La pluie, encore elle, s’installe. Pendant la descente, nous croisons les mines dépitées des randonneurs montant sous la pluie avec la certitude de ne rien voir une fois en haut.

Les tunnels de lave

Nous avons également exploré les tunnels de lave, formés par les coulées de 2004. En s’écoulant, la lave au contact de l’air se refroidit, se durcit et forme le toit du tunnel, tandis qu’à l’intérieur, elle continue de s’écouler à 1 200°C. Des lichens et des plantes spécifiques (tabac bœuf, orchidée invasive) poussent maintenant sur la coulée refroidie.Beaucoup de guides proposent ces visites. Au point de rdv, nous sommes nombreux, un peu trop à notre goût. En fait, les galeries sont grandes et nombreuses, ça laisse de la place pour tout le monde. Les tunnels ont la même forme en ellipse que les galeries calcaires creusées par l’eau, mais il n’y a pas de stalactite ni stalagmite et le sol est uniforme, constitué de sable. L’eau de pluie passe à travers la roche volcanique et elle ne transporte pas de matière ni ne sculpte la lave. Les galeries font 2 mètres de haut, parfois plus, parfois moins. Le casque de spéléo y est indispensable, ainsi que les gants, les protections de coudes et de genoux lorsqu’il faut se baisser voire même ramper (ça, c’est pour le fun !). Pendant 3 heures, nous découvrons les différentes couleurs de la roche volcanique, engendrées par des températures de lave et des temps de refroidissements différents, ainsi que des trous de 10-15 cm de diamètre sur 60 cm de long créés par des arbres pris dans la coulée de lave.

Différents type de lave

Le Piton de la Fournaise est un volcan effusif avec des éruptions engendrant des fontaines et des coulées de lave (par opposition aux volcans explosifs, les plus dangereux, comme le Vésuve, connus pour leurs impressionnants panaches s’élevant à des dizaines de km dans l’atmosphère). Depuis plusieurs années, ses coulées se déversent toujours dans la même zone, sans danger pour les habitations, mais cela n’a pas toujours été le cas. Alors, depuis 1979, il est observé, étudié et scruté par un observatoire qui étudie la sismologie (étude des séismes), la géodésie (observation de la surface sous la pression du magma), la géochimie des gaz, l’imagerie thermique, les variations d’inclinaison de ses pentes et l’étude de ses déplacements. Car le volcan se déplace : il glisse lentement vers l’océan où il s’effondrera, dans un jour très lointain.

Les légendes

Le volcan est, bien sûr, à la source de légendes. Les enfants réunionnais furent élevés dans la crainte de Gran Mèr Kal, l’âme damnée, devenue dans l’imaginaire créole une sorte de sorcière. Quand un enfant ne mange pas son cari ou qu’il désobéit à ses parents, on le menace d’appeler Gran Mèr Kal qui l’emportera avec elle sur le volcan. Marmay, kan zot va allé o volkan, fé atansion. Laba na in kratèr lé profon mèm, sé la kaz gran mèr kal.

Une autre légende évoque Mme Desbassayns (grande propriétaire du début du 19e s, connue pour sa cruauté). Le soir après son trépas, la foudre brisa sa sépulture. Un éclair emporta son corps et le transporta dans les entrailles de la Fournaise où elle devient l’esclave de Gran Diable. Là, elle est condamnée pour l’éternité à entretenir les flammes du volcan. Chaque fois que le volcan est sur le point de cracher ses laves, on entend Lucifer crier : « Sof madam Débasin, sof !»

L’éruption

Sur la toute fin de notre séjour, Gran Diable dut commander à Mme Desbassayns de chauffer très fort puisque le volcan est entré deux fois en éruption. La première fois, cela n’a duré que 24 heures, Mme Desbassayns était en petite forme. C’était l’échauffement, car dix jours plus tard, il remet cela. Nous nous rendons au Pas de Bellecombe en voiture vers 17 heures. Nous ne sommes pas les seuls, très loin de là : un quart de la population de l’île s’est déplacé pour voir l’éruption (estimation à la louche, sans doute fausse, mais c’est pour signifier qu’il y a beaucoup de monde). Nous sommes un dimanche, ça doit jouer. À la sortie de la voiture, un vent frais nous accueille. Nous sommes partis du niveau de la mer 2h plus tôt, maintenant nous sommes en altitude et le soleil va se coucher. Habillés en conséquence, nous marchons vers le bord du rempart. Nous sentons les effluves de soufre avant de voir l’éruption. Enfin, nous découvrons, à un kilomètre de notre position, la lave qui s’écoule dans l’enclos. C’est la première fois que nous assistons à une éruption volcanique. La nuit arrive et les couleurs rouges de la lave éclairent l’obscurité. Les bruits sourds des explosions nous parviennent. Une heure plus tard, la brume s’installe. Le reflet de la lave teinte en rouge l’horizon puis tout est englouti. Il est l’heure de rentrer.